Papa,
Ou 'Sergio Tedaldi', dit aussi 'Quinto'.
Fils d'Arthuro Tedaldi et Ernesta Bocchetti, tu étais le cinquième enfant d'une famille de sept, dont une soeur est décédée à la naissance ; une famille entière qui a émigré en Belgique dans les années 30.
Grâce à vous, depuis cette date, tous les Tedaldi qui habitent en Belgique sont issus d'une et une seule famille : la vôtre : ce qui nous rend tous un peu uniques.
Parmi tes frères et soeurs, il y avait tout d'abord Augusto, l'aîné de tes frères, sans conteste celui que tu préférais car il était le plus sage d'entre tous. Et puis il y avait la fameuse tradition du 'vendredi' soir où l'on se réunissait tous chez Auguste et Joséphine pour jouer au Rami à 13 cartes. Tradition qui a par ailleurs perduré après le décès de ton frère.
Il y avait aussi Maria, l'aînée de tes soeurs, chez qui tu te plaisais à dire que tu retrouvais toujours un morceau d'Italie lorsque tu te rendais chez elle à Aiseau.
Il y avait aussi ton frère Mario. Probablement le plus exubérant et le plus jovial de la famille. Combien de fois, je ne me suis pas fait traiter de 'Mario' dans ma vie, chaque fois que j'avais tendance à exagérer un peu ou à embellir la réalité.
Il y avait aussi la plus jeune, Linda, ta petite soeur préférée, celle que tu emmenais chanter dans les crochets car tu disais qu'elle avait une voix en or.
Et enfin, il y a ta soeur Pia. Probablement la plus proche de tes soeurs. Celle avec qui on partait en vacances et que l'on perdait régulièrement pendant le trajet. Pia, à qui tu rendais visite quotidiennement ces derniers temps, jusqu'au moi de mai, où tu n'as plus eu le courage de parcourir les 3oo mètres qui séparent vos 2 maisons.
Pia, qui viendra te rejoindre ce 14 novembre 2012 et qui nous laissera un peu plus seuls encore, sans oncle, ni tante.
'Sergio Tedaldi' c'était avant tout un enfant turbulent, toujours prêt à faire les quatre cent coups.
Un enfant qui se promenait la journée sur les terrils pour ramasser du charbon, qu'il revendait ensuite.
L'école, ce n'était pas vraiment ton point fort. Tu préférais plutôt faire le tour de la place Franco-Belge en marchant sur tes mains, car tu avais une souplesse extraordinaire.
Après 'Sergio Tedaldi', dit Quinto, beaucoup l'ignore mais il y a eu, à l'approche de ton adolescence, la période 'Victor'.
En effet, tu n'aimais pas beaucoup ton prénom, et comme personne ne t'avait dit qu'on ne pouvait pas en changer, tu t'étais rebaptisé Victor auprès de tes copains.
Pour la famille, tes frères et soeurs, tes neveux et tes nièces, Sergio, c'était Pito, ou plutôt « Mounonc' Pito ». Pourquoi Pito ? Personne n'a jamais su m'expliquer.
Ensuite, Sergio, Quinto, Victor, Pito est devenu Serge. Tu as demandé ta naturalisation car c'était vraiment très important pour toi d'avoir la nationalité du pays dans lequel tu avais grandi et dans lequel tu habitais.
A tes copains qui avait le malheur de se lamenter devant toi sur la vie en Belgique et qui rêvaient de retrouver la chaleur du sud, tu leur répondais toujours sans détour : « Si c'était aussi bien la bas, pourquoi tu n'y retournes pas ?».
Pour toi, la Belgique c'était le travail et l'expression « Le travail, c'est la santé » avait vraiment beaucoup de sens à tes yeux.
Tu n'arrêtais jamais !
La journée, tu étais brigadier à Hainaut-Sambre de 6 à 2. Ensuite, soit tu travaillais à ta nouvelle construction, soit tu faisais le jardin ou encore tu travaillais dans l'une ou l'autre des sept maisons que Francine et toi vous avez successivement achetés avec vos économies.
Francine, c'était l'amour de ta vie. Tu l'as épousée en le 8 mai 1957.
Vous vous êtes unis, comme on le dit, pour le meilleur et pour le pire mais pour vous, . Ce fut toujours le meilleur.
Plus de 54 années de mariage sans jamais une ombre au tableau. Pas une séparation, pas une réelle dispute. Que du bonheur !
Chacun ses tâches : Francine c'était le ménage, la préparation des repas, les vêtements, mais c'était aussi et surtout ton meilleur manouvre. Celle qui préparait le mortier, portait les seaux, peinturait ou nettoyait après tes travaux.
Toi, c'était la maison, la maçonnerie, l'électricité, la plomberie ou encore le jardin. Tu étais un bricoleur de génie.
Ta pièce favorite dans la maison, c'était sans conteste ton garage et surtout ton établi, une véritable caverne d'Ali Baba. Qui peut imaginer qu'il existe autant de variétés de vis, de clous, d'écrous,de flottes, en fer, en acier, en cuivre, à tête plate ou à tête ronde, en croix ou carrées : tout cela était strictement étiquetté et répertorié dans un établi réalisé par tes soins.
De cette union avec Francine, je suis né en 1962 et Sergio, Quinto, Victor, Pito, Serge est devenu papa.
Et quel papa !
Enfant, tu faisais les dictées en même temps que moi pour me motiver,
et je dois avouer que malgré ton niveau d'étude, ce n'était pas toujours facile de te battre. Et en calcul mental, je devais vraiment faire de gros efforts pour gagner car tu étais d'une vivacité remarquable.
Ensuite, tu m'as fait faire le tour de l'Europe avec maman. De Naples à Copenhagen, De Barcelone à Londres, tu nous as baladés partout avec ton Opel Kadett, ton opel Record et ta caravanne Wawa, mais le moment où tu étais vraiment le plus heureux en vacances, c'était lorsque lorsque l'on entamait le voyage de retour vers la maison.
Car qu'est-ce-que tu étais casanier !
Ta maison et ton jardin, c'était ton univers et les meilleurs restos de Belgique de valait rien à côté des repas servis à la maison préparés avec les vrais légumes du jardin par maman.
Tu disais toujours ce que tu pensais.
C'était parfois un peu difficile à entendre et à accepter pour les gens à qui tu parlais, mais quand on y réfléchissait bien après coup, ton point de vue était toujours juste et bien réfléchi.
Lorsque plus tard, j'ai rencontré Marilyne, tu m'as aussi vite fait comprendre que cette fois, j'avais fait le bon choix et tu étais le plus heureux des jolis papa lorsque nous nous sommes mariés en 1989.
Même si nous avons eu parfois quelques hésitations, tu nous as vraiment confortés dans notre idée de construire notre propre maison.
Et pour les plans, pas de problèmes, je pouvais laisser libre cours à mon imagination. « On se débrouillera toujours bien » comme tu le disais.
Tous les jours, tu étais sur le chantier et tu travaillais avec les différents corps de métier. Et quand quelque chose était mal fait, ou tu le faisais remarquer de façon un rien diplomatique, ou c'était démonté pour le lendemain matin de sorte qu'ils n'avaient pas d'autres choix que de recommencer correctement.
Mais tous les corps de métiers présents m'ont dit, sans exception, quelle chance j'avais d'avoir un papa comme ça !
Car, par ton travail et ta droiture, tu inspirais un profond respect, du haut de ton mètre 60.
Après la construction de la maison, comme si ce n'était pas encore assez, tu t'es trouvé un nouvel hobby : le commerce des non-ferreux.
Toujours un aimant en poche, tu faisais ta ballade quotidienne à la carrière Moreau où tu retrouvais ton ami Freddy. Et quand on te demandait pourquoi tu ne prenais pas plutôt le temps de te reposer et profiter d'une retraite bien méritée, tu nous répondais ta célèbre devise :
« Vivre heureux dans la vie, c'est faire ce que l'on aime ». Et souvent tu ajoutais « Peu importe l'avis des autres » .
Ensuite, en 1996, Sergio, Quinto, Victor, Pito, Serge, papa est devenu Nono.
C'était important pour toi d'être le Nono car tu ne voulais pas être un papy comme les autres et puis il y avait déjà papy Raymond.
La naissance de Timothy et ensuite d'Amaury, c'était, comme tu te plaisais à le dire : ton bâton de vieillesse.
Pas question de les mettre chez une gardienne. Mamy et toi, vous alliez les rechercher à la sortie de l'école, leur faisiez à manger et répéter leurs devoirs. Tu jouais avec eux dans le quartier au football, au tennis, au badmington et puis tu faisais ta promenade quotidienne en vélo avec eux.
Le week-end, tu étais toujours là pour suivre Timothy et Amaury sur les cours de tennis, au ping-pong ou encore dans leurs nombreux déplacements au football. Nono, comme le disaient les parents de l'équipe de Presles, c'était un peu la mascotte de l'équipe.
Mais voilà, la mascotte n'est plus là !
Car, même si ta vie fut aussi heureuse, elle n'en fut pas pour autant exempte de souffrances. A 18 ans, on te retirait déjà les 2/3 de l'estomac et ensuite ce fut un allez-retour régulier avec les services hospitaliers :
Il y a eu l'ablation de la vésicule, les pierres aux reins, le ménisque, une dépression nerveuse, un infarctus, un quadruple pontage coronarien, un grand carrefour dans les jambes, une pneumonie, 3 tromboses, une opération à la prostate, un rein HS.
Et puis il y avait les problèmes cachés : une hépatite C, un anévrisme au cerveau et aussi ta fameuse allergie à la cocaïne comme tu disais au médecin qui étaient toujours aussi surpris, jusqu'à ce qu'ils apprennent que tu confonds toujours cocaïne et codéine.
Mais malgré tout cela tu étais increvable et comme tu aimais le dire, c'est grâce à la cigarette si je tiens le coup aussi longtemps !
Mais en septembre dernier, tout s'effondre.
Le départ imprévisible de mamy Francine, ce fut vraiment insurmontable pour toi.
Pourquoi vivre si elle n'est plus là ?
A quoi sert de se réveiller seul le matin si on n'a plus personne à qui parler ?
Et ce n'est pas moi qui repassait tous les jours du travail, ou Carole, ton infirmière qui venait matin et soir ou Patricia qui passait un jour par semaine chez toi et te préparait de bons petits plats, ou tante Pia ou encore tes super voisins toujours prêts à t'aider qui suffisaient à te donner une raison valable de survivre.
Francine n'est plus là, Timothy et Amaury s'en sortent bien tous seuls, il est temps pour moi de partir, me disais-tu régulièrement ces derniers temps.
Et en effet, à peine a-t-on eu le temps de te dire que les enfants ont bien réussi à l'école et a-t-on eu le temps de te souhaiter un joyeux anniversaire pour tes 82 ans, que tu as arrêté de te battre et que tu t'en es allé.
Dors bien papa !
Repose en paix, tu l'as bien mérité
Nous espérons tous que la haut, tu retrouveras maman et le bonheur qui te manquait depuis septembre dernier.
Timothy, Amaury, Marilyne et moi reprenons le flambeau.
Maman et toi resterez toujours présents dans nos coeurs.
Rudy
Serge Tedaldi